Histoire du Design

3 L’Art Nouveau (1880-1910)

L’Art Nouveau est le 1er style international vraiment moderne. C’est un style qui a connu de son temps une immense popularité, un style de design très libre avec des oeuvres d’une grande variété. L’Art Nouveau est naturaliste, abstrait, avec des arabesques et des motifs en « coup de fouet », des lignes étirées et sinueuses issues des études botaniques (publications de Darwin en 1859…). 

Bruxelles et Paris en furent les centres principaux ; la galerie parisienne de Siegfried Bing, nommé « La Maison de l’Art Nouveau », donnera son nom à ce style et contribuera à le répandre dans le monde entier. Il prit une forme différente en Allemagne et en Autriche, plus géométrique, plus symétrique, ou il sera appelé Jugendstil et style Sécession. L’exposition de Paris de 1900, dont le style dominant était l’Art Nouveau, accueillit plus de 50 millions de visiteurs et oeuvra fortement à sa popularité.

Aujourd’hui suranné, il est devenu lié à la « décadence fin de siècle », en raison de la prépondérance des motifs ornementaux. Interrompu par la première guerre mondiale, il sera ensuite surclassé au début du XXème par une esthétique avec des formes simples, mieux adaptées à une production industrielle.

En France et en Belgique, les ébénistes créèrent des meubles spectaculaires aux lignes incurvées. On a pu parler en France de style « Guimard » en référence aux formes sinueuses des meubles d’Hector Guimard (qui a aussi réalisé les entrées du métro parisien ou l’immeuble Castel Béranger dans le 16ème arrondissement de Paris). Les meubles pouvaient être aussi très ornementés, combinant différent types de bois, avec des poignées de portes et panneaux en relief qui combinaient les thèmes fétiches de l’art nouveau (fleurs, jeunes femmes en robe…)

Le nancéen Louis Majorelle est l’un des plus grands créateurs de meubles de l’époque. Ses pièces sont caractérisées par l’utilisation de bois ciré sombre, des lignes douces, fluides, ornées de plantes ou de feuilles incrustées. Combinant approche manuelle et mécanisation dans ses ateliers, ses pièces sont encore très recherchées des collectionneurs de nos jours.

En Belgique, la figure majeure est Victor Horta avec le célèbre Hotel Tassel de Bruxelles et ses colonnes en forme de vrilles tourbillonnantes. En Lettonie, la capitale Riga alors en plein expansion concentre la plus grande proportion de bâtiments Art Nouveau d’Europe, avec notamment le célèbre immeuble du 8 rue Smilsu, oeuvre des architectes Heinrich Scheel et Friedrich Scheffel.

En Espagne, et surtout en Catalogne, le style Art Nouveau s’illustre par Antoni Gaudi y Cornet, l’un des architectes les plus originaux de l’histoire, combinant influences gothiques et orientales. Il construisit à Barcelone des maisons, des immeubles, des statues, des églises et même un collège. Son oeuvre la plus célèbre est l’église de la Sagrada Familia à Barcelone. L’architecture de Gaudi est faite de courbes, de facades ondulées, de surfaces tapissées de sculptures, avec l’utilisation inventive de murs non porteurs, de colonnes inclinées…

L’Art Nouveau se distingua également par ses céramiques colorées, tout en courbes et très spectaculaires. Des céramistes comme George E. Ohr, Clément Massier ou Artus Van Briggle produisirent des pièces de couleurs vives, sculpturales qui semblent se muer en jeunes femmes séduisantes ou en fleurs magnifiques, les thèmes favoris de l’Art Nouveau. Le verre irisé, obtenu en vaporisant des oxydes métalliques dans le four, connut un grand succès.

Ces thèmes caractéristiques de l’Art Nouveau – fleurs, feuilles, jeunes femmes, insectes – se prêtaient parfaitement à la joaillerie. Le grand designer René Lalique et ses collègues firent des émules en créant des broches, pendentifs et autres objets en forme de libellules, papillons…

Les vases décorés ont aussi été une signature de l’Art Nouveau, avec la technique du camée : des couches de verre de différentes couleurs superposées, puis partiellement taillées à la meule ou gravées à l’acide afin de révéler les nuances sous-jacentes. Emile Gallé était le maitre de cette technique et la figure majeure de l’Ecole de Nancy, « école » composée des frères Daum, de Victor Prouvé, Louis Majorelle… tous originaires de Nancy. Ces artistes ont signé la majorité des chefs d’oeuvre de l’Art Nouveau français dans les domaines de la verrerie et du mobilier.

L’arrivée de l’éclairage électrique à la fin du 19ème siècle ouvrit de nouvelles possibilités aux designers Art Nouveau qui l’habillèrent de couleurs et de formes fluides, tel le belge Victor Rousseau célèbre pour ses pieds de lampe en sujets moulés ou le designer américain Louis comfort Tiffany qui breveta le « Favrile », un type de verre soufflé irisé. La verrerie Tiffany doit sa popularité immense à la qualité des verres, teintes et motifs des lampes, sous la direction de la designer américaine Clara Driscoll et du responsable du four à verre Arthur J. Nash, jamais avare d’expérimentations aux additifs pour créer de nouveaux effets et couleurs.

Enfin, l’Art Nouveau se distingua dans les tissus d’ameublement. Tapis, tissus de rideaux, de coussins se parent de thèmes floraux et de dessins abstraits aux lignes sinueuses. La broderie « coup de fouet » du designer Hermann Obrist, sorte de courbe en épingle à cheveux, deviendra la signature iconique de l’Art Nouveau.

Les affiches Art Nouveau ne furent pas en reste, grace aux progrès de l’imprimerie qui permirent la production en grande série. Ce style d’affiches très élaborées avec des femmes languides, des bordures tournoyantes et des fonds floraux connurent un grand succès, notamment aux Etats-Unis ou elles furent collectionnées au titre d’oeuvres d’art à part entière.

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