Ce mouvement esthétique prend sa source dans la renaissance du style gothique et dans les influences orientales, notamment japonaises. Il exprime la volonté de réformer le design avec des lignes pures et ordonnées.
L’esthétisme devient le choix d’un mode de vie, qui se traduit dans le mobilier, les vêtements… C’est l’art pour l’art d’Oscar Wilde, d’Aubrey Beardsley et du peintre Whistler. « L’art pour l’art » signifie que la valeur de l’art est dépourvue de toute fonction utile, didactique ou morale, que l’art se suffit à lui-même. En terme de design, c’est l’idée que les beaux objets procurent du plaisir au quotidien. Oscar Wilde cherchait à faire de sa vie une oeuvre d’art, les designers du mouvement esthétique à faire d’un objet du quotidien une oeuvre d’art.
Les motifs les plus populaires sont le paon et le tournesol, les styles viennent du monde entier ; l’Esthétisme a par exemple pu donner naissance à un vase de forme persane orné de motifs japonais… Parmi les célèbres designers de mobilier de l’esthétisme, on compte E.W Godwin ou Bruce Talbert. Leurs oeuvres se caractérisent par l’utilisation de bois noircis, peints ou spectaculaires comme le palissandre, des dorures ou des motifs stylisés (tournesols, plumes de paon, éventail) et des formes rectangulaires inspirées du Japon.



En 1875, Arthur Liberty fonde le magasin Liberty and Co sur Regent Street à Londres, qui proposera soieries orientales, bouddhas, éventails japonais puis des marchandises perses, indiennes, chinoises… Il produira aussi des meubles Arts and Crafts, des bijoux ou encore des tapis. Il confiera à Charles Voysey le design de tapis et tissus, et à Archibald Knox et ses célèbres décors celtiques le travail des métaux.


Charles Liberty eut la même vision que Voysey (la production mécanisée est obligatoire pour concilier qualité et coût abordable), ce qui lui garantit un succès financier considérable, contrairement au mouvement Arts and Crafts.
A Paris, la diffusion se fait à la Maison de l’Art Nouveau (façade toujours conservée au 9 rue de Provence). Avec le temps, le terme « Liberty » deviendra un synonyme d’Art Nouveau. Le magasin de Regent Street à Londres existe encore aujourd’hui.

Parmi les designers travaillant pour Liberty, on retiendra particulièrement Charles Rennie Mackintosh (Ecole de Glasgow). Sa Maison Hill sera conçu comme une oeuvre d’art totale (Gesamtkunstwerke) : tout le mobilier et les équipements sont dessinés en fonction du lieu, traduisant une conception globale de l’architecture et du design.

Il faut enfin dire un mot du « japonisme », terme qui traduit l’engouement pour l’art et le design japonais en Occident, suite à l’ouverture des ports japonais au commerce occidental à partir de 1850. Les estampes, poteries, laques et éventails envahissent le marché européen. Le mouvement Esthétique lui fera une grande place, tout comme l’Art Nouveau qui s’inspirera des motifs de fleurs de cerisiers, nymphéas ou libellules. On peut voir ces influences très précisément dans certaines oeuvres du potier français Raoul Lachenal, tel son service à thé doté d’un bec verseur et d’anses aux formes étonnantes, décoré par des feuilles d’eucalyptus.

Le designer Christopher Dresser doit aussi beaucoup à l’art japonais dont il sera un expert, y voyageant comme invité de l’Empereur. Créateur de tapis, céramiques et objets en verre, il est parfois considéré comme le premier designer industriel. Ses créations d‘objets utilitaires aux tracés géométriques affirmés, aux surfaces non décorées, dans le respect des principes de simplicité et d’utilité du shintoïsme japonais, en font un créateur à part, très en avance sur son temps, préfigurant le Bauhaus et les modernistes du siècle suivant.
