L’histoire du design moderne commence généralement au milieu du 19ème siècle, en Angleterre, pays précurseur de la révolution industrielle. Le mouvement Arts and Crafts s’inscrit en réaction à l’industrialisation et prône un retour à l’artisanat. Il est lié à la Confrérie préraphaélite en peinture (qui prône le retour à l’âge du peintre Raphaël). Les designers Arts and Crafts se sont inspirés à la fois de l’artisanat médiéval et de l’art moyen oriental et égyptien. L’ornementation est sobre, en réaction aux intérieurs chargés de la bourgeoisie victorienne.
William Morris en est son principal représentant. Designer et penseur socialiste, il défend l’idée que le design doit être utilisé comme un outil de changement social, et croit en l’importance sociale du travail manuel (à la fois pour l’ouvrier, l’artisan et pour le consommateur). Il tient la production de masse comme responsable du déclin des valeurs. Il est surtout connu pour ses papiers peints et tissus vibrants, imprimés manuellement à la planche.

Ce mouvement se heurte toutefois à un paradoxe classique : la fabrication coûteuse des objets artisanaux de Morris&co les réserve à une petite élite fortunée, malgré le précepte de « l’art pour tous » de son fondateur.
Charles Voysey, qui représente une autre branche de l’Art and Crafts en conclut que la volonté de Morris (de produire des objets de qualité supérieure à la disposition du grand public) est irréalisable sans mécanisation.
Le mobilier de Voysey se caractérise par des belles pièces de bois au design épuré. Il disait en 1892 : « Commencez par éliminer tous les ornements inutiles… Renoncez à imiter. Visez à inspirer le calme et la simplicité ». Il fut aussi architecte, à l’origine de la maison Dixcot, qui inspirera le style des quartiers résidentiels dans les banlieues anglaises.


Aux Etats-Unis, la figure phare du mouvement Arts and Crafts fut le fabricant de mobilier Gustav Stickley. Ses meubles étaient fabriqués en chêne et bois de sa région, et il connut un certain succès avec l’aide de l’architecte Harvey Ellis qui conçut de nouveaux modèles.

En Europe, une figure majeure rattachée à ce mouvement est le prussien Michael Thonet. Il est l’inventeur de la chaise en bois courbée et lança en 1853 sa société en Moravie (République Tchèque actuelle) pour commercialiser ses meubles fabriqués à partir du hêtre des forêts de la région.
L’entreprise Gebrüder Thonet, encore détenue à ce jour par la famille Thonet, connut un succès immense, en raison de l’élégance des modèles, leur faible coût et la possibilité de les assembler après expédition pour les distributeurs. En 1930, la production totale de la célèbre chaise n°14 atteint les 30 millions.

Le domaine de la céramique d’art connut une forte popularité à la fin du 19ème siècle. Les styles étaient variés, les motifs floraux, végétaux ou animaliers avec des tons vifs et lustrés. On peut citer comme figures majeures William de Morgan, un ancien de Morris & Co qui fonda son propre atelier à Londres, ou la célèbre entreprise d’art américain Rookwood spécialisée dans les cruches et vases décoratifs. Rookwood fut célèbre pour ses vernis et ses séries de vases représentant des Indiens d’Amérique produits dans les années 1890.



Enfin, le mouvement Arts & Crafts s’est également caractérisé par ses pièces d’orfèvrerie aux lignes nettes et moins ornementées que ses équivalents victoriens. Ces pièces étaient produites par des groupes ou guildes, comme la Guild of Handicraft réputée pour ses bijoux et beaux objets en argent, cuivre martelé ou fer forgé. Son fondateur Charles Robert Ashbee visait à faire renaitre l’artisanat traditionnel. Ses coupes à beurre et à confiture en argent, aux anses spectaculaires, figurent parmi ses objets les plus célèbres.
