Art history

12 La conquête de la Réalité : les débuts de XVème siècle

Source : The Story of Art – Gombrich, E.H

L’idée d’une renaissance, d’un renouveau existait déjà en Italie : pour les Italiens, leur pays avait été avec Rome le centre du monde civilisé, l’invasion des Goths avait détruit l’Empire romain (art gothique = barbare) et cette période jusqu’à la renaissance de l’art classique avait été un « Moyen-Age ». 

Ce raccourci un peu grossier n’était pas partagé par les peuples du Nord de l’Europe, pour lesquels, comme exposé plus haut, le renouveau des arts après le chaos du Moyen-Age s’était fait progressivement, et la période gothique avait été un essentiel de ce renouveau. 

Il est vrai que les Italiens étaient restés un peu en marge de ce renouveau, aussi les nouveautés de Giotto furent pour eux d’autant plus sensationnelles. 

Ce sentiment de devoir ouvrir une ère nouvelle en faisant revivre un glorieux passé était le plus fort dans la riche Florence, avec notamment l’architecte Filippo Brunelleschi. Celui-ci créa un nouveau mode de construction, qui par le libre emploi des formes de l’architecture classique (il mesura les ruines romaines), pourrait atteindre une beauté et une harmonie nouvelles (dôme de la cathédrale de Florence, chapelle Pazzi). Et toute l’architecture jusqu’à aujourd’hui s’inspire de Brunelleschi, et présente des formes classiques, colonnes ou frontons, ou a quelque chose de classique dans le décor des portes, dans la mouluration des encadrements de fenêtres ou dans les proportions de l’édifice. 

C’est également Brunelleschi qui a découvert la perspective, dont les Grecs ignoraient la loi mathématique qui fait diminuer la taille des objects à mesure qu’ils s’éloignent. Dans la lignée de Brunelleschi, le peintre Masaccio ou le sculpteur Donatello appliquèrent à leur art la perspective, ainsi que la substitution au charme raffiné du style international une observation neuve et vigoureuse de la nature : figures massives, formes solides et carrées, architecture majestueuse et austère à la place des personnages gracieux et délicats, des fleurs et objects précieux.

De même que les artistes florentins las des raffinements et subtilités du style gothique international, les artistes septentrionaux aspiraient à des formes plus vigoureuses, plus austères, plus fidèle à la nature. L’artiste qui paracheva la conquête de la réalité fut le peintre Jan van Eyck, avec une méthode opposée aux italiens. Quand les florentins élaboraient une méthode pour rendre la nature avec une précision scientifique (perspective, lois anatomiques du corps humain, raccourci… ), Jan van Eyck lui obtint l’illusion de la réalité en ajoutant patiemment détail sur détail jusqu’à ce que la somme de son tableau soit devenue comme le miroir du monde visible. 

Ce contraste entre art italien et art septentrional dura une assez longue période : on peut avancer que toute oeuvre qui excelle dans le rendu des belles matières, des fleurs, des bijoux ou des tissus est le fait d’un artiste du nord, et probablement des Pays-Bas,  tandis qu’une peinture aux contours audacieux, à la perspective nette, exprimant la beauté du corps humain avec maitrise, est l’oeuvre d’un italien. 

Jan van Eyck a également inventé la peinture à l’huile (remplaçant le blanc d’oeuf « a tempera » qui, séchant trop vite, l’empêchait de revenir sur des détails) qui se généralisera comme étant la meilleure car permettant le plus de justesse et de lumière. 

Dans cette tentative de recréer l’image exacte de la réalité, Van Eyck comme Masaccio était dans l’obligation de renoncer aux motifs aimables et aux courbes flexibles du style gothique international : leurs peintures peuvent paraitre gauches voire raides mais à cette époque la recherche passionnelle de la vérité s’est opposée à l’ancienne conception de la beauté. 

Source : The Story of Art – Gombrich, E.H

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