Histoire de l'Art

10 L’Eglise triomphante : le XIIIème siècle

Source : The Story of Art – Gombrich, E.H

Si l’art de l’Orient pouvait durer des milliers d’années sans changement, l’art de l’Europe occidentale n’a jamais connu une telle permanence : toujours inquiet, sans cesse à la recherche de nouvelles idées.

Le style gothique apparait au nord de la France au XIIème siècle suite à la découverte faite par les architectes que le principe consistant à voûter une Eglise en employant des arcs croisés en diagonale (ogives) pouvait être appliqué beaucoup plus systématiquement et à plus grande échelle que les Normands ne l’avaient imaginé : si seul le pilier sert à supporter la voute, alors on peut mettre des verres à la place des lourds murs de pierre. L’arc brisé, variable à volonté, remplace l’arc en plein cintre, et l’arc boutant est inventé pour soutenir les lourdes pierres de la voute (Notre-Dame de Paris, Sainte-Chapelle). Les fenêtres se garnissent de remplage.

Si les grandes Eglises robustes de l’Eglise militante pouvaient rassurer et offrir un refuge aux croyants, les nouvelles cathédrales gothiques leur ouvraient les portes d’un monde céleste descendu sur terre, fait de de vitraux brillants comme des pierres précieuses et de remplages étincelants d’or… A partir de 1200, quantité de magnifiques cathédrales furent édifiées en France et dans les pays voisins : Angleterre, Espagne, Allemagne rhénane…

Concernant la sculpture, les artistes du XIIIème siècle commencèrent à se passer des modèles traditionnels pour représenter plus librement ce qu’ils voulaient représenter et insuffler la vie à ces figures. Petite révolution, car à l’époque, la formation d’un artiste médiéval se faisait chez un maitre, oû il apprenait petit à petit à copier un apôtre, la vierge, une scène biblique… pour au final être capable de représenter une scène pour laquelle il n’avait aucun modèle. Mais jamais à l’époque il n’aurait pu envisager de réaliser un croquis d’après nature ou un portrait

Les peintres italiens furent plus lents encore que les sculpteurs à suivre l’esprit gothique de représenter la nature avec plus de vérité. Certaines villes italiennes comme Venise étaient en contact étroit avec Byzance et les artistes italiens cherchaient leur inspiration davantage à Constantinople qu’à Paris. Lorsque l’évolution se produisit au XIIIème siècle, c’est le conservatisme et la solidité de ses bases byzantines qui permit à l’art italien non seulement de rivaliser avec les chefs d’oeuvre des sculpteurs nordiques, mais du même coup, de révolutionner de fond en comble l’art de la peinture. En dépit de sa rigidité, l’art byzantin avait conservé quelque chose des découvertes des peintres hellénistiques que l’Occident avait oublié. Un artiste de génie fut capable de rompre le charme du conservatisme byzantin pour traduire en peinture les statues si vivantes des sculpteurs gothiques : Giotto di Bondone (1267-1337) qui inaugure une période artistique tout à fait nouvelle.

Giotto a surtout peint des peinture murales dites fresques car leur technique oblige le peintre à travailler lorsque l’enduit du mur est encore humide, encore « frais ». Sa peinture ressemble à une sculpture : Giotto a retrouvé l’art de créer, sur une surface plane, l’illusion de la profondeur, pouvant ainsi créer l’illusion comme si l’épisode sacré se déroulait devant nos yeux. Pour peindre, il ne s’inspirait pas de versions antérieures de la même scène mais il cherchait à se représenter, comme un fidèle, comment s’était passé l’épisode biblique, comment se tiendrait tel homme, quel geste ferait-il… Il cherche ainsi à représenter une scène réelle, en respectant l’espace plutôt que de faire varier la taille des protagonistes pour les représenter en entier. La peinture est pour lui autre chose qu’un simple substitut de l’écriture. L’art chrétien primitif avait repris la vieille conception orientale voulant que pour la clarté du récit, chaque figure soit présentée dans son entier, Giotto lui arrive à exprimer la peine d’un personnage dont nous ne voyons pas le visage. La renommée de Giotto eut un vaste retentissement : pour la première fois dans l’histoire, la vie d’un artiste était célèbre et objet d’intérêt. 

A l’époque, les artistes ne tenaient pas tellement à acquérir gloire et notoriété, ils ne signaient pas leurs oeuvres, ils s’effaçaient devant la renommée de la cathédrale pour laquelle ils travaillaient et on ne voyait pas l’intérêt de conserver leur nom pour la postérité. Un nouveau chapitre s’ouvre avec Giotto : en Italie d’abord, ailleurs ensuite, l’histoire de l’art se confondra avec l’histoire des grands artistes.

Source : The Story of Art – Gombrich, E.H

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