Source : The Story of Art – Gombrich, E.H
Il est difficile d’écrire une histoire de l’art jusqu’à nos jours, car nous manquons de recul. Les dernières modes ou celles qui occupent le devant de la scène sont-elles celles ceux qui vont faire l’histoire ?
Parmi celles-ci nous pouvons citer le dadaïsme et l’art « ready made » de Marcel Duchamp, le tachisme ou l’expressionnisme abstrait de Jackson Pollock, l’Op Art ou encore le Pop Art…
Il n’est pas nécessaire d’accepter les théories d’un artiste pour apprécier son oeuvre. Si on a la patience et la curiosité de regarder beaucoup de peintures de ce genre, on en préfèrera certaines à d’autres et on comprendra peu à peu les problèmes qui préoccupent ces artistes.
L’événement majeur de l’art au XXème siècle, plutôt que telle ou telle tendance artistique, c’est le revirement en ce qui concerne n’importe quelle expérience artistique. Celles-ci sont désormais accueillies par la presse et le public, alors qu’avant le XXème siècle, l’artiste avait besoin d’être défendu et expliqué par l’historien ou le critique d’art face à l’hostilité de la critique publique.
Citons Quentin Bell : « En 1914, quand on le désignait indifféremment comme cubiste, futuriste ou moderniste, l’artiste postimpressionniste était considéré comme un original ou un charlatan. Les peintres et les sculpteurs que le public connaissait ou admirait étaient farouchement opposés à des innovations radicales. L’argent, l’influence, les commandes, tout était de leur coté. Aujourd’hui, on pourrait presque dire que la situation s’est renversée. Les corps constitués, par exemple l’Arts Council, le British Council et la radio, le monde des affaires, la presse, les Eglises, le cinéma sont tous du côté de ce qu’on nomme, par un abus de langage, l’art « non conformiste ». Le public, ou du moins une grande partie, peut recevoir n’importe quoi. Il n’existe aucune forme d’excentricité en peinture qui soit susceptible de choquer, ou même d’étonner, les critiques…
« L’audience d’avant garde est ouverte à tout. Ses représentants – conservateurs de musée, professeurs d’écoles d’art, marchands – s’empressent d’organiser des expositions et d’apposer des étiquettes explicatives avant même que la peinture soit sèche ou que le plastique ait durci. Des critiques coopératifs ratissent les ateliers, prêts à repérer l’art de l’avenir pour être les premiers à fabriquer une réputation. Des historiens de l’art se tiennent prêts, avec leurs appareils photographiques et leurs carnets, pour être surs d’enregistrer la moindre nouveauté. La tradition du nouveau a rendu banale toutes les autres traditions ».
La situation de l’art et des artistes est aujourd’hui transformée, et s’est créée une mode de l’art telle qu’on en avait jamais connue. Quelques facteurs :
- Les critiques ont perdu le courage de critiquer et sont devenus des chroniqueurs de l’évènement. L’incapacité des critiques du passé à percevoir l’émergence de nouveaux styles, en particulier les impressionnistes, a fait naitre la légende que les grands artistes sont toujours raillés de leur vivant. Ainsi une importante minorité s’est pénétrée de l’idée que les artistes représentent l’avant-garde de l’avenir, que ce ne sont pas eux qui sont ridicules, mais nous, si leur valeur nous échappe.
- La tradition du nouveau en est venue à être considérée comme une évidence dans l’art contemporain. Cette idée selon laquelle les artistes doivent être à l’avant garde du progrès, n’est nullement partagée par toutes les cultures. Il est vrai aussi que le monde occidental doit beaucoup à l’ambition des artistes de se surpasser l’un l’autre. Mais l’art n’est pas la science, et on ne peut véritablement jamais parler de « progrès » en art.
- L’histoire de l’art commence à prendre de l’intérêt lorsque nous commençons à comprendre qu’elle n’en est pas une, et que les peintres et les sculpteurs ont répondu à différentes situations, institutions et modes de manière très différente.
Source : The Story of Art – Gombrich, E.H