Art history

19 La diversité dans la vision : l’Europe catholique, première moitié du XVIIème siècle

Source : The Story of Art – Gombrich, E.H

Sous sa forme la plus simple, l’histoire de l’art est l’histoire de la succession des styles. A l’art roman du XIIème siècle et son arc en plein cintre a succédé l’arc brisé gothique, lui même supplanté par l’art de la Renaissance. On nomme baroque le style qui succéda à celui de la Renaissance. Mais contrairement aux autres évolutions, il n’est pas facile de le distinguer : à partir de la Renaissance, les architectes se sont constamment servis des mêmes éléments essentiels, issues de l’architecture antique : colonnes, pilastres, corniches, entablements et moulures. 

Les noms tels « gothiques » ou « baroques » ont été donnés à l’origine de manière péjorative. Baroque signifie absurde ou grotesque et a été employé par des gens qui estimaient que les éléments de la construction antique n’auraient jamais du être employés ou combinés autrement que ne l’avaient fait les grecs ou les romains. Il est quasiment impossible pour nous de saisir de telles idées car nous sommes habitués à voir des centaines d’imitations de ce genre d’édifices antiques mêlant différents éléments d’architecture antique. 

Le baroque a notamment introduit les courbes, les volutes, qui étaient ignorées de l’architecture antique.

La peinture sortit de l’impasse ou la conduisaient les maitres du maniérisme, notamment en suivant l’exemple de Tintoret ou de Greco : l’accent mis sur le rôle de la lumière et de la couleur, l’abandon d’une trop stricte symétrie dans la composition au profit d’agencements plus complexes. Les discussions artistiques étaient à la mode, surtout à Rome, alors le centre du monde civilisé, pour tirer la peinture de l’aventure périlleuse dans laquelle elle était engagée avec le maniérisme. 

On parlait surtout de deux peintres, dont les principes étaient radicalement opposés : Carracci (1560-1609), qui voulut retrouver quelque chose du génie de Raphaël et du culte de la beauté classique, et Caravage (1565-1610), qui ne reculait pas devant la laideur mais glorifiait la vérité, telle qu’il la voyait : il n’avait aucun respect pour la beauté idéale, il voulait se libérer de la convention et reprendre à la base tout le problème de la peinture. C’est l’un des premiers peintres que l’on a accusé de chercher à étonner. Par la suite, presque tous les mouvements modernes se sont heurtés à cette critique. Caravage a interprété les scène bibliques avec son réalisme, son naturalisme, et avec un traitement nouveau de la lumière et de l’ombre : sa lumière est brutale et en violent contraste avec les ombres profondes, au lieu de faciliter l’harmonie. 

Ainsi à cette époque affluaient à Rome tous le jeunes artistes pour étudier, avant de se revendiquer d’une école ou d’une autre. Ainsi Guido Reni s’est rattaché à l’école de Carracci et a cherché à rivaliser avec les oeuvres du maitre Raphaël. Si son jugement l’avait porté vers Caravage, il aurait sans doute tout aussi bien adopté ce style opposé. L’esprit des peintres comme Guido Reni était alors empli de ces questions théoriques : l’art était arrivé à un point ou les artistes étaient forcément conscients du choix qui s’offrait à eux entre plusieurs méthodes. Ainsi Guido Reni, Carracci et leurs disciples codifièrent l’art d’idéaliser, d’embellir la nature en s’appuyant sur les canons de la sculpture antique : c’est l’art néoclassique, ou académique, l’opposant à l’art classique qui lui ne fut pas conçu par la vertu de règles impératives.

Le plus grand maitre de ce mouvement fut Nicolas Poussin (1594-1665) qui représenta la beauté antique toute de dignité et d’innocence. Ainsi des paysages nostalgiques de Claude Lorrain (1600-1682) représentant la campagne romaine et sa lumière méditerranéenne témoignant des vestiges grandioses de son glorieux passé. Dans sa composition, Lorrain ne retenait que les motifs qui lui paraissaient digne de prendre place dans ses visions ou le passé apparait comme en rêve. 

Pierre-Paul Rubens (1577-1640) a aussi séjourné à Rome, mais ne s’est attaché à aucune école, appréciant à la fois Carracci et Caravage ; il est resté un vrai flamand qui se préoccupait moins des conceptions italiennes du canon de la beauté mais bien davantage de l’expression par tous les moyens possibles d’une étoffe ou d’un corps, le plus fidèlement possible à ce qu’il voyait. Rubens apporta toutefois d’Italie le gout des grandes toiles quand ses prédécesseurs avaient peints des tableaux de petite dimension : et ce goût répondait aux ambitions des riches bourgeois et princes de son pays. Le génie de Rubens était son coup de pinceau : il avait l’art quasi magique de donner la vie à son tableau. Rubens comptait sur les ressources expressives de la touche : ses dessins sont exécutés par des moyens picturaux leur donnant l’illusion de la vie. Rubens connut de son vivant une exceptionnelle situation, voyageant d’une cour à l’autre en grand seigneur, se voyant confier des missions diplomatiques et politiques. Son succès se fonda sur ce double don d’inventer de grandes compositions aisées et colorées, et de leur insuffler une vie débordante. Pour apprécier l’oeuvre de Rubens, il faut comprendre qu’il n’avait que faire des formes idéales et de la beauté antique, ses personnages sont des êtres vivants tels qu’il les voyait et tels qu’il les aimait. Sa notoriété attira près de lui de nombreux artistes, dont Van Dyck qui peignit magnifiquement la société aristocratique. Accablés de demandes de portraits, ils dessinaient une esquisse, laissaient leurs collaborateurs peindre en taille réelle, puis retouchaient et donnaient de la vie au tableau en quelques coup de pinceaux magiques.

Diego Velasquez (1599-1660), l’un des plus grands peintres espagnols, avait lui assimilé la doctrine naturaliste de Caravage qu’il admirait, et mettait son art au service d’une observation de la nature libre de tout préjugé, de toute vision conventionnelle. Velasquez peignit essentiellement des portraits du roi d’Espagne Philippe IV et des membres de la famille royale. La beauté et la véracité des oeuvres de Velasquez reposent sur l’effet de la touche et l’harmonie délicate des couleurs. Il faut voir le portrait du Pape Innocent X au palais Doria Pamphili de Rome pour comprendre. En quelques touches, il arrive à faire paraitre des matières avec un détail et un aspect incomparable. C’est pour des effets de cet ordre que les peintres impressionnistes admiraient Velasquez plus que tout autre maitre ancien. 

Voir et observer la nature d’un regard neuf, se plaire à y découvrir sans cesse de nouvelles harmonies de couleur et de lumière étaient désormais la tâche essentielle du peintre.

Source : The Story of Art – Gombrich, E.H

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