Histoire du Design

Partie 3 – B : Le style Streamline, version américaine de l’Art Déco

Le Style Streamline, parfois appelé Style moderne, renvoie à une forme d’Art Déco, influencée par le mouvement Moderne, et initiée aux Etats-Unis par Walter Dorwin Teague, Norman Bel Geddes, et Raymond Loewy qui privilégient les surfaces au fini métallique ou chromé brillant et les formes géométriques massives. Le mot « Streamline » était utilisé par les constructeurs automobiles américains dès le début du siècle pour définir des formes aérodynamiques.

Les intérieurs comme le Radio City Music Hall de Donald Deskey incarnent ce style, résultat de commandes d’entreprises ou de riches clients privés. Les décors Hollywoodiens ont popularisé ce style opulent et luxueux, symbole du Rêve Américain. Le style Streamline s’invitera également dans les objets domestiques du quotidien, tels les radios ou les moyens de transport : trains, avions, paquebots, et automobiles, avec la Lincoln-Zephyr, célèbre voiture aérodynamique du constructeur Ford.

Ce style est responsable des énormes différences qui persistent aujourd’hui entre le stylisme des produits américains et européens. Le Post-modernisme et le Design rétro reprendront certains codes du style Streamline. 

Contrastant avec le mobilier sinueux et fastueux de l’Art Déco français de Ruhlmann, les oeuvres des designers américains tels Eugene Schoen ou Gilbert Rohde étaient anguleuses, massives et ornementées, destinées à la production en série pour le marché américain.

Donald Deskey fut le précurseur de cette approche plus moderne, et popularisa le recours au métal et à la bakélite. Le designer viennois Paul T. Frankl connut lui un succès important avec son ensemble Skyscraper, évoquant la skyline new-yorkaise, composé de matériaux modernes comme l’acier chromé et le verre réfléchissant.

Les arts de la table en métal s’intégraient parfaitement aux nouveaux intérieurs Streamline. Le service à café « Lumières et ombres de Manhattan » d’Erik Magnussen est la quintessence de l’Art déco américain, combinant angles du cubisme, et silhouette haute en référence aux gratte-ciel, le tout en mélange d’argent massif, vermeil, argent oxydé et ivoire.

Le style Streamline fit la part belle au design de produits grâce à l’arrivée de matériaux prometteurs : plastique, acier inoxydable, aluminium qui permettaient de réaliser des objets légers, brillants, lisses et ergonomiques. Radios, siphons ou produits ménagers aux formes aérodynamiques comblaient la soif de consommation qui déferlait aux Etats-Unis. Norman Bel Geddes, designer, auteur et architecte visionnaire souhaitait que les objets utilitaires soient aussi beaux que des « oeuvres d’art » et que le foyer serait si mécanisé que les « taches ménagères seraient réduites à leur minimum ».

La première matière plastique utilisée était du bakélite, matière brevetée par le Dr Leo Baekeland en 1907. Cette résine était thermodurcissable, ce qui signifie qu’une fois chauffée, elle ne fond plus. Matériau idéal pour enchâsser les appareils électriques, on la renforçait avec de la poussière de bois ou de l’amiante avant de la mouler dans la forme choisie. Ce renforcement avant utilisation aboutit à des objects opaques et de couleur sombre. De nouvelle résine phénoliques, comme la Cataline, virent le jour à la fin des années 20. Déclinables en plusieurs couleurs, elles sont à l’origine des teintes éclatantes des plastiques des années 1950 et 1960.

Symbole de l’aérodynamisme Art Déco, la Lincoln-Zephyr de Ford synthétise parfaitement l’esprit du temps. Silhouette ondulante, arches en forme de larmes au-dessus des roues, ligne fluide du hayon, feux arrière en forme de torpille, rétroviseur latéral incurvé… même le logo de la voiture présente une typographies aux lignes dynamiques typiquement Art Déco. Le nom Zéphyr lui-même suggère la vitesse du vent.

Le style Streamline a essaimé en dehors des Etats-Unis, en particulier à Shanghai qui est devenue le terrain d’expérimentation de la modernité architecturale, après la fin de la première guerre sino-japonaise en 1895. Les investissements étrangers affluaient dans les années 1920-1930 pour construire grands magasins, cinémas, hôtels et ensembles d’immeubles. Le style art déco américain prédominait, avec par exemple l’hôtel de luxe Le Cathay, les décorations intérieures du Peninsula et du Park Hotel ou encore le Broadway Mansions, sans oublier les immeubles art déco de l’entrepreneur Victor Sassoon, hymnes à la gloire de la culture et du capitalisme à l’occidentale.

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