Source : The Story of Art – Gombrich, E.H
Les conséquences de la Réforme affectèrent particulièrement l’art des Pays-Bas. Les Pays-Bas méridionaux (Belgique actuelle) restèrent attachés au catholicisme, Rubens peignait à Anvers des vastes compositions exaltant la puissance des princes de l’Eglise. En revanche les provinces du Nord adhérèrent à la Réforme et se soulevèrent contre leurs maitres catholiques, les Espagnols. Leur goût différait fort de celui des Provinces du Sud. Ces marchands protestants n’étaient pas sans rapport avec les puritains et réprouvaient le faste des provinces méridionales.
Ainsi au milieu du siècle, à l’apogée de la fortune hollandaise, lorsque les citoyens d’Amsterdam décidèrent de construire un grand hôtel de ville, leur choix s’arrêta sur un édifice d’une parfaite sobriété de lignes et de décoration.
En peinture, le plus important des genres de peinture admis sans objections par le protestantisme était le portrait (cf Holbein le Jeune). Frans Hals fut de ces portraitistes à la condition précaire. Les portraits de Hals, qui lui ont rapporté bien peu d’argent, donnent une impression incroyable d’audace et de naturel, faisant presque penser à une photographie instantanée. Hals échappe à toute tradition de symétrie mais sait donner une impression d’équilibre sans laisser transparaitre l’observation de règles, comme d’autres grands maitres baroques.
Les peintres hollandais non attirés par le portrait ne pouvaient pas compter sur des commandes régulières : il leur fallait d’abord peindre et ensuite trouver preneur. L’artiste avait échappé à l’autorité d’un patron, mais sa liberté était chèrement acquise : il devait se vendre ! Aujourd’hui cela parait assez logique mais à l’époque c’est un changement énorme. La concurrence entre peintres hollandais était rude et la seule chance d’atteindre une certaine réputation était de se spécialiser. Ainsi la peinture de genre apparue au XVIème siècle continua de s’affirmer. Dans leur spécialité, ces artistes atteignaient une certaine perfection. C’est grâce à ces artistes que la beauté des ciels est entrée dans l’histoire de l’art. Ils ne recherchaient aucun effet dramatique, ils se contentaient de peindre un aspect de la nature tel qu’ils le voyaient et ils comprirent qu’une telle oeuvre pouvait être aussi attachante qu’une peinture à sujet.
Jan van Goyen (1596-1656) appartient à ce groupe de novateurs, représentant des paysages paisibles de la campagne hollandaise comme Lorrain l’avait fait avec ses ruines classiques.
Rembrandt (1606-1669) est le plus grand des peintres hollandais et l’un des plus grands de toute l’histoire de la peinture. Devant les portraits de Rembrandt, nous sommes en présence de véritables êtres humains, nous percevons leur chaleur, leur besoin de sympathie, leur solitude et leurs souffrances, leurs « effets de l’âme » si chers aux grecs. Rembrandt avait assimilé les innovations de Caravage et mettait la sincérité et la vérité au dessus de l’harmonie et la beauté. La plupart de ses tableaux frappent par les tons sombres relevés par quelques touches de clair, donnant un effet de scintillement. Rembrandt tenait aussi de l’art italien cet art de la disposition harmonieuse des personnages. Aucun peintre hollandais n’a pu égaler Rembrandt au XVIIème siècle.
Beaucoup d’artistes suivaient la tradition du genre. Ainsi Jacob van Ruysdael (1628-1682), spécialisé dans le paysage, a représenté la poésie du paysage nordique à peu près comme Claude Lorrain a découvert celle du paysage italien.
La nature, reflétée par l’art, reflète avant tout la personnalité de l’artiste, ses gouts. C’est ce qui fait l’importance d’un genre particulièrement cher aux peintres hollandais : la nature morte. Ainsi de Willem Kalf (1619-1693) pour qui la nature morte devient un merveilleux champ d’expression pour les harmonies et les contrastes de la couleur et de la texture des choses. Sans s’en rendre compte, ces « spécialistes » éveillèrent le soupçon que le sujet d’un tableau était beaucoup moins important qu’on n’aurait pu le croire. Il n’y a là pas de contradiction : un peintre qui illustre une scène biblique désire que nous la comprenions pour que nous puissions apprécier l’interprétation qu’il nous propose, mais tout comme il existe une belle musique sans paroles, on trouve une grande peinture qui ne comprend pas de sujet notable. En découvrant la beauté du monde visible, les peintres du XVIIème siècle finirent par démontrer que le sujet n’a vraiment qu’une importance secondaire.
Source : The Story of Art – Gombrich, E.H